Flex ? Twist ? Rake ? On va essayer de faire simple

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Tout d'abord, on utilise le flex et le twist sur un aileron pour s'adapter aux variations rapides d'effort que subit l'aileron. Ces variations d'effort viennent bien sur des appuis du rider qui ne sont pas constants mais également des changements dans l'écoulement de l'eau sur l'aileron. On ne navigue pas en bassin de carène et l'écoulement d'eau peut être fortement variable et perturbé (aileron qui sort partiellement de l'eau au passage du clapot, correction d'assiette du flotteur, sillage d'un autre rider...). Ceux qui ont connu un départ du Défi Wind se souviendront de la perte de portance dans un plan d'eau complètement labouré par tous ces sillages. L'idée, c'est de rester efficace en gérant ces variations qui viennent perturber le fonctionnement "normal" de l'aileron. On essaye d'écrêter les efforts trop importants. De ce point de vue, c'est la même logique que pour une voile. On souhaite soulager par moment le haut de la voile pour rester efficace et continuer à exploiter le creux bien bloqué sur le bas de la voile plutot que d'être obligé de subir un effort trop important et d'être obligé de relacher ses appuis et d'ouvrir la voile. Quand on ouvre et qu'on se redresse, on diminue fortement la force propulsive, donc on perd de la vitesse et on perd l'équilibre des appuis (la gamelle n'est pas loin). Pour l'aileron, on souhaite par moment limiter la portance de l'aileron pour éviter le cabrage mais on souhaite garder de l'appui sous le pied arrière pour éviter de décrocher.
La flexion de l'aileron (le flex) diminue la surface projetée de l'aileron et l'angle selon lequel le fluide attaque le profil. Pour un aileron de slalom, la diminution de surface projetée est négligeable et c'est surtout l'angle d'attaque qui compte. Pour illustrer ça, il faut imaginer brasser l'eau avec sa main. Si la main est bien droite, ça résiste bien. Si on incline sa main, l'eau a tendance à s'écouler le long de la main et la résistance est moins importante. Lorsque l'aileron fléchit, la pression hydrostatique diminue et l'écoulement a tendance à partir vers l'extrémité de l'aileron plutot que de rester bien perpandiculaire au bord d'attaque de l'aileron. Si la flexion est trop importante, la circulation le long de l'axe verticale de l'aileron finit par perturber le bon écoulement. Ca crée beaucoup de trainée et ca ralentit le flotteur. C'est la raison pour laquelle on ne peut pas mettre systématiquement des ailerons trop grand mais très souple sous nos flotteurs. Comme toujours, c'est une question de compromis et il faut rester dans les limites du raisonnable.
La flexion de l'aileron apporte un autre comportement. En fléchissant, l'aileron n'est plus parfaitement vertical. Ca crée une force de portance qui n'est pas simplement latérale mais légèrement dirigée vers le haut. C'est ce qu'on appelle l'effet foil. On se sert de cet effet sur les grands ailerons de formula pour améliorer le départ au planing. A contrario, quand les conditions deviennent musclées, on va opter pour un aileron de formula plus raide afin de limiter l'effet foil qui devient trop important et empêche de tenir le flotteur. Sur des petits ailerons, cet effet foil ne résulte pas forcément d'un aileron souple mais peut être obtenu en faisant giter le flotteur.
Le twist d'un aileron correspond à un vrillage de l'aileron autour de son axe. En vrillant ainsi, la partie basse de l'aileron s'oriente dans le sens de l'écoulement. Pour cette portion, l'angle d'incidence diminue et la portance chute. C'est le même phénomène que quand on ouvre sa voile. On joue sur l'orientation du profil par rapport à l'écoulement du fluide.
Enfin, le rake correspond à l'inclinaison du bord d'attaque de l'aileron. Avec un profil redressé (faible rake), les filets d'eau attaquent le profil en même temps sur toute la longueur du bord d'attaque. C'est la meilleure configuration pour créer une portance optimale (gain au vent) mais ça rend plus sensible l'aileron au décrochement. En inclinant l'aileron (rake plus élevé), on le rend plus tolérant en empéchant qu'une chute de pression sur une partie du bord d'attaque n'affecte tout le bord d'attaque d'un coup. C'est la raison pour laquelle un aileron de speed a toujours un minimum de rake alors qu'on peut se permettre d'aller vers un rake très faible pour un aileron de formula. Pour des valeurs de rake importantes, plutot que d'incliner tout l'aileron, on peut faire varier l'inclinaison le long de l'aileron. On se retrouve avec un aileron qui a une forme recourbée (inclinaison faible à la base et importante à l'extrémité). L'exemple type, c'est le SL3 de Deboichet. A éviter pour la remontée au près et les molles mais avec un contrôle redoutable dans le chantier.
Le rake conditionne l'équilibre longitudinal de la planche. En augmentant le rake, on permet au bord d'attaque de venir se mettre perpandiculaire à l'écoulement en se redressant légèrement. La planche a donc tendance à pivoter également. C'est pourquoi elle lève du nez.
La où ça se complique, c'est que le flex, le twist et le rake sont liés !
Si on regarde une tranche d'aileron, on constate qu'il y a plus de matière vers le bord d'attaque que vers le bord de fuite. Quand l'aileron fléchit, ça déforme la matière et il y en a plus vers le bord d'attaque. Du coup, l'aileron ne fléchit pas en restant bien en ligne mais il se vrille. C'est dû à la géométrie même d'un aileron. De plus, la résultante de la pression hydrodynamique qui fait fléchir l'aileron n'est pas située exactement sur la fibre neutre de l'aileron. En clair, on pousse pas bien au mileu. Ces deux phénomènes font qu'il est impossible de faire fléchir un aileron sans le faire vriller. Donc quand on met du flex, on subit du twist.
Quand on incline l'aileron vers l'arrière (en augmentant le rake), l'aileron en se déformant à tendance à tourner autour de son point d'appui (le boitier d'aileron). On va donc favoriser le vrillage de l'aileron. Quand on met du rake, on subit encore plus le twist. Pour des ailerons avec un rake important, on est obligé d'épaissir le bord de fuite pour limiter ce twist. Pour des ailerons de speed, c'est pas favorable pour la vitesse. Dans ce cas, plutot que d'épaissir le bord de fuite, on rajoute de la matière en arrière à la base de l'aileron. On se retrouve avec un aileron triangulaire. C'est l'approche d'un C3 slingshot ou d'un vector delta qui n'ont pas d'autres choix que de jouer sur la géométrie (ailerons usinés en G10). Un UFO ou un Caspard pourra en partie limiter ce twist en jouant sur l'orientation des tissus et n'est pas obligé d'adopter cette forme.
Pour finir, c'est quoi les valeur de flex, twist et rake optimales ?
He bien il n'y en a pas. Ca dépend du seuil à partir duquel on souhaite écrêter et de la tolérance qu'on veut donner à l'aileron. Et comme le flex et le twist sont liés, il faut trouver un compromis acceptable.
Quand on fait un foil courbe pour Groupama, une dérive pour Banque Populaire, on limite au maximum le flex et le twist et on ajuste éventuellement le rake en fonction de l'équilibre des centres de poussées hydrodynamiques et véliques (dérives inclinées des trimarans). On essaye d'être au maxi de la portance et quand il y en a trop et bien on relève la dérive ou le foil !
Quand on commence a faire du F18 ou du classA (cata de sport), on apprécie la flexion de la dérive sous le vent quand on est à la rue au trapèze. On peut pas instantannément relever et baisser la dérive donc un peu de flexion, ça a du bon.
Et puis quand on vole au dessus de l'eau à plus de trente noeuds sur un espèce de foil, qu'est-ce qu'on fait ? Si on parle de l'hydroptère, on met des verins hydrauliques sur les foils qui réagissent en quelques millisecondes pour ammortir les pics d'effort mais on conserve des foils les plus rigides possibles. Pour la planche, l'ammortisseur qui réagit en quelques millisecondes, c'est censé être le bonhomme. On fait entrer l'humain dans le fonctionnement et ce qui est vrai pour l'un ne l'est plus forcément pour l'autre. On s'écarte également de la théorie et même un essai en bassin de carène n'est plus représentatif. Donc on a pas d'autres choix que la voie expérimentale : on fabrique, on teste, on modifie.
Ce qui serait intéressant pour avancer à notre niveau de simple pratiquant, ce serait de mesurer sommairement les valeurs de rigidité en flexion et en torsion des ailerons les plus courus. Ca permettrait de voir les options choisies par les principaux fabricants et de mettre ces mesures en relation avec le comportement des ailerons. Peterman l'a fait mais seulement pour des ailerons de formula.